Pour aller plus loin
Pourquoi les transports en commun seraient un domaine réservé aux hommes?
Les différences de présence dans l’espace public entre femmes et hommes reflètent les différences de rôles que la société attribue aux deux sexes.
>> Les femmes sont considérées comme moins « légitimes » dans l’espace public. Elles sont sensées passer plus de temps dans leur foyer (et donc moins de temps à l’extérieur, que ce soit dans la rue, dans les cafés, dans les transports, etc.) Les filles et les femmes ne « trainent » pas dans la rue (et dans une vision patriarcale, une femme qui traîne, c’est une personne prostituée).
Lorsqu’elles se déplacent c’est pour faire quelque chose d’ »utile »: aller au travail, aller chercher les enfants, etc. Ce n’est pas pour aller voir des amies ou sortir boire un verre…
Lorsque les femmes prennent néanmoins les transports en commun, elles se heurtent à des comportements agressifs masculins.
>> Les transports sont des milieux dans lesquels les agressions sont fréquentes. Deux études, anglaise (Hough (1995)) et américaine (Hsu (2009)) montrent que la peur de l’agression et/ou la réalité de ces agressions ont une influence sur la place des femmes dans l’espace public, en particulier sur leur demande de transport. L’étude anglaise conclut en particulier qu’une femme sur 8 ne prend plus les transports de peur d’une agression.
>> Osez le féminisme! à mené une enquête dans le métro parisien au mois de juillet 2014, qui a montré que 97% des femmes interrogées avaient été victimes d’insultes, de remarques, d’attouchements dans le métro (Voir page « L’enquête #TBTM).
Ce faisant, ils prétendent « remettre les femmes à leur place». Cette discrimination est l’« expression spatiale du patriarcat » (« spatial expression of patriarchy »), pour reprendre les termes de la géographe Valentine (1989).
Le patriarcat est donc le lien entre les deux causes qui font que les espaces publics sont le « fief des mâles » (cf. l’article du Monde)
Or c’est fondamental que les femmes puissent également accéder aux transports en commun à toutes heures et ainsi se déplacer librement. C’est une des conditions de l’émancipation : pouvoir sortir de chez soi, sortir et rentrer le soir, se déplacer pendant la journée…
Résultat: Un cercle vicieux qui exclue les femmes des transports.
L’idée d’une absence de légitimité des femmes dans le métro entraîne des violences masculines d’une part, une peur de l’agression d’autre part. Là encore, ce phénomène qui ne peut être nié est bien documenté: les femmes sont plus souvent agressées, en particulier sexuellement, que les hommes. On éduque aussi les petites filles à la peur/on fait peur aux femmes (« mais tu vas sortir habillée comme ça ? » « Tu n’as pas peur toute seule la nuit ? » Etc.)
Les femmes adaptent leurs comportements à ce risque (réel ou supposé) d’agression par le développement de techniques d’évitement :
- Adapter son comportement dans la rue : regarder par terre, marcher vite, mettre des écouteurs, se vêtir de manière à cacher son corps, etc.
- Éviter certains moyens de transports : un individu « rationnel » (dans une vision « homo economicus ») choisit son mode de transport en fonction de trois paramètres : 1) le temps de transports (le mode le plus rapide) 2) le prix 3) le confort. Or pour les femmes (en tout cas nombre d’entre elles et pour certains hommes également) un quatrième paramètre entre en jeu : le risque d’agression. Tous les modes de transports ne sont pas égaux en cette matière. Globalement le risque d’agression est moindre, par ordre croissant : dans une voiture personnelle, sur un vélo, dans le taxi, dans le bus (le chauffeur est à proximité), dans un métro parisien avec pas mal de monde, dans un RER vide en grande banlieue.
Conclusion: L’absence des femmes à certaines heures et dans certains transports renforce l’idée qu’une femme n’est pas tout à fait à sa place dans le métro quelle que soit heure, créant un cercle vicieux. Pour en sortir, il faut reprendre le métro et lutter contre les violences machistes!
Let’s #TakeBackTheMetro!
Bibliographie et filmographie
Arlandis. F. (2012), « La rue, fief des mâles », Le Monde 4/10/2012 http://www.lemonde.fr/culture/article/2012/10/04/la-rue-fief-des-males_1770418_3246.html
Courtas J. (1996) Crise urbaine et espaces sexués, Paris, Armand Colin et Masson(Coll. « Références »)
Diab M. (2010), Les femmes du bus 678 (film)
Gould J. and J. Zhou (2009) “A Commitment To Continue? Comparing women and men Commuters who Choose Transit over driving alone” in Women in transportation Summary of the 4th International Conference, volume 2: Technical Papers (pp154-162)
Herbel S. and D. Gaines (2009), Women in transportation Summary of the 4th International Conference, volume 1: Conference overview and Plenary Papers http://onlinepubs.trb.org/onlinepubs/conf/cp46.pdf et volume 2 http://onlinepubs.trb.org/onlinepubs/conf/cp46v2.pdf
Hough, M. (1995). “Anxiety About Crime: Findings from the 1994 British Crime Survey”. Research Findings 25
Hsu, H-P (2009) “How Does Fear of Sexual Harassment on Transit Affect Women’s Use of Transit?” in Women in transportation Summary of the 4th International Conference, volume 2: Technical Papers (pp85-94)
Koskela H. and , R. Pain 2000 “Revisiting fear and place: women’s fear of attack and the built environment” , Geoforum Vol 31(2) pp269-280
Lieber, M. (2008) Genre, Violences et espaces publics. La vulnérabilité des femmes en questions Presses de Sciences Po.
Marteau S. (2012), « L’Homo Parisinaus », Le Monde 16/11/2012 http://abonnes.lemonde.fr/style/article/2012/11/16/l-homo-parisianus_1790951_1575563.html
Peters S. (2012), Femmes de la rue (film)
Pondard A. et R. Thibeau (2010) Les femmes dans les bars de la ville d’Issoire, La présence féminine dans un espace de socialisation traditionnellement masculin en question, Mémoire de Master Paris VIII http://www2.univ-paris8.fr/sociologie/fichiers/stagesdeterrain/femmes-bar.pdf
Rasselet C. et all. (2011) L’usage de la ville par les femmes, étude commandée en 2011 par la communauté urbaine de Bordeaux : www.aurba.org
Rosenbloom S. and Plessis-Fraissard M. (2009), “Women’s Travel in developed and developing Countries: Two versions of The Same Story?” in Women in transportation Summary of the 4th International Conference, volume 1: Conference overview and Plenary Papers (pp63-77)
Vagland, A. (2009) “Gender Equality as a Subsidiary Objective of Swedish Transport Policy What Has Happened Since 2004?” in Women in transportation Summary of the 4th International Conference, volume 2: Technical Papers(pp225-235)
Valentine, G., 1989. “The geography of women’s fear”. Area 21 (4)
Et on aime beaucoup Colerenomfeminin et leur magnifiques T shirts : (même qu’un jour, on en aura des aussi bô !) « Ta main sur mon cul, ma main dans ta gueule »